Le 27 octobre 2024, Yves Ugalde nous gratifiait d’un billet dont il a le secret. Il y partage, entre autres, un moment magique vécu au cœur du festival Koruak : le repas exclusif réunissant les chœurs ayant participé à l’événement.
Avec justesse et sensibilité, il a su capturer l’esprit et les valeurs qui font vibrer notre festival. Nous le remercions chaleureusement pour ces mots qui résonnent si bien avec notre engagement. Bonne lecture !

« Depuis Gene Kelly, on sait que chanter sous la pluie, cela peut être formidable. Le festival Koruak en a fourni hier une démonstration éclatante à Bayonne. 700 choristes entre églises de Ste Croix, Saint Esprit, Saint André et théâtre Michel Portal, et, hier soir, salle Arnaud Saëz, 460 convives pour le banquet final.
Je le dis sans autre forme de procès, c’est le repas de nombre le plus réussi auquel je participe de tous ceux auxquels j’assiste au nom de la Ville. Jusqu’au service où on vous tend votre assiette comme à la maison. Il ne suffit pas de coller des tables à des tables pour faire une table. Le pari d’un repas d’amitié est même très difficile à relever quand on est si nombreux. Je m’y ennuie souvent, même si j’y fais bonne figure.
Mais au-delà de la qualité des diverses déclinaisons du canard landais, dont, cette année, un parmentier couché sous la couverture magnifiquement gratinée d’un fromage de gala, posée elle-même sur un écrasé artisanal de pommes de terre, fut un sommet, c’est l’état d’esprit qui plane durant ce dîner qui fait mon régal à chaque fois.
Pas un moment du service qui ne soit pas ponctué par un chant basque qui peut fuser de n’importe quel groupe à table. Cinq chanteurs se lèvent et cela devient immédiatement contagieux. A l’autre bout de l’immense tablée, les premières notes sonnent comme un appel et s’instaure un mouvement permanent qui fait qu’on va se greffer aux initiateurs du chant.
Plus de concurrence, si tant est qu’elle existe, entre les uns et les autres, la fraternité du chant d’Iparralde prend le dessus ; on finit son assiette – çà toujours par contre !- et on va retrouver la mélodie débutante, même à l’autre bout de la salle, et verre en main ça va de soi.
Au repas de Koruak, on oublie les partitions plus ou moins complexes de la journée, les répétitions concentrées. On évolue dans le répertoire festif insondable du Pays Basque qui constitue le socle de convivialité souriante de tous nos choeurs. Toutes ces mélodies sont en nous et elles nous montent naturellement aux lèvres.
Je le dis tout net, si, un jour, la promesse du grand repas au paradis est tenue, je pense qu’il ressemblera à ce moment à nul autre pareil. Autour des tables du Pays Basque, il y a toujours deux ou trois chanteurs, mais là c’est 100% des 460 participants qui le sont ! C’est compact, quasiment grégaire. Pas un temps mort, toujours une garde montante en mouvement pour que jamais le chant ne se taise. Raviver la flamme toujours et encore. On ne sait plus où donner de l’oreille, et puis, c’est immanquable, on se lève soi-même pour aller s’amalgamer à une des factions chantantes.
L’agur jaunak, dont quelques dames ont reproché furtivement le machisme -les andereak auront leur refrain l’an prochain, l’engagement a été pris- prend une dimension presque mystique. Comme un benedicite laïque…
Les membres d’Ezin Aseak, concepteurs et organisateurs de cet événement unique du chant en Pays Basque nord, se figent et chantent plus fort encore. Là, on se fout des nuances. J’ai même vu quelques larmes perler. Il ont l’âge d’avoir déjà perdu bien des amis et des proches qui se ramènent dans les têtes systématiquement dès les premières notes.
A Ezin, ce sont les mêmes qui, trois jours avant, épluchaient 80 kilos de patates pour le divin parmentier de ce soir. De la cuisine à l’accueil des choeurs au pied des diverses scènes, tout n’est qu’affaire d’une amitié solide , mais aussi de fiches de poste distribuées deux mois à l’avance. Le chant choral n’aime pas l’impro… Chacun, chacune sait ce qu’il a à faire. La même répartition confiante des rôles qui fait qu’un chant à plusieurs soulève l’âme et les coeurs…
Aujourd’hui dimanche, une des meilleures formations au monde, venue de Corée, prendra le relais à Portal. L’excellence professionnelle est convoquée en clôture chaque année, comme pour inciter la cohorte des chanteurs de notre Pays Basque à toujours regarder plus haut. Mais l’essentiel est déjà passé. C’était hier soir quand un des derniers peuples de la planète s’est levé de table pour chanter à l’unisson. Koruak ou une identité heureuse d’exister encore et de se chanter ensemble… »

YVES UGALDE
Adjoint au maire de la ville de BAYONNE
Culture,animations, grands événements et jumelages